Mahdi Abdul Hadi dirige le centre de réflexion palestinien Passia. Dans son bureau de Wadi el-Joz, en bordure de Jérusalem-Est, il explique les différentes raisons qui ont entraîné la crise actuelle entre Palestiniens et Israéliens et les options possibles pour l’avenir.

 

Comment expliquez-vous ce nouveau regain de violence ?

Après l’élection d’Al-Sissi en Egypte, en mai, le Hamas a perdu son traditionnel soutien. C’est pourquoi il a accepté de se réconcilier avec le Fatah, aux conditions que posait Mahmoud Abbas. Celui-ci exigeait de garder son gouvernement, composé de technocrates et d’employés formés par ses soins, et de maintenir son propre agenda basé sur la poursuite des négociations avec Israël et le refus de la violence. En échange, Abbas a promis au Hamas qu’il s’occupait de négocier avec l’Egypte la réouverture de Rafah, le point de passage entre Gaza et l’Egypte. Le Hamas a accepté toutes ses conditions si cela lui permettait de voir rouvrir Rafah, il a juste demandé que des élections aient lieu dans six mois.

C’est alors que deux épisodes ont changé la donne. D’abord, trois jeunes Israéliens ont été portés disparus puis retrouvés tués par balle en Cisjordanie. Israël a alors traqué le Hamas ville après ville, village après village. Plusieurs centaines de membres du mouvement ont été arrêtés. Puis des extrémistes israéliens ont kidnappé un jeune Palestinien et l’ont brûlé vif. C’est cet épisode qui a réveillé Jérusalem. Ce n’est pas une Intifada, car une Intifada implique un leadership, un consensus, un financement. Là, les Palestiniens restent divisés. Et ces manifestations se sont propagées dans les villes arabes d’Oum el-Fahem, de Nazareth… Encore une fois, sans leadership ni projet politique, c’est juste une population qui s’est soulevée pour réclamer un peu de respect.

Comment voyez-vous les jours qui viennent à Jérusalem et en Cisjordanie ?

Les jeunes Palestiniens de 17 à 23 ans qui lancent des pierres le soir après la rupture du jeûne ont souvent un emploi, dans un hôpital, une boutique, un centre de location de voitures, que sais-je, et ils y tiennent. Après quarante-sept ans d’occupation, ils parlent hébreu, ils ne connaissent pas le monde arabe, ils n’ont pas de leaders, mais ils ont été indignés par le meurtre de Mohammed Abou Khdeir et veulent le manifester. Ils vont défier Israël le soir et ils retournent au boulot le lendemain matin. La vraie bataille se passe à Gaza.

Que craignez-vous le plus désormais ?

Tout le monde veut se venger, c’est ça le plus terrible: l’armée israélienne, les colons, le Hamas… Aujourd’hui, se développe la culture de la peur, un peu partout en Israël et dans les territoires palestiniens. Vous ne savez plus qui est votre ami, qui est votre ennemi, et ce qui va se passer juste après. D’ailleurs, les Palestiniens sont en train de mettre en place, à Jérusalem notamment, des comités de protection civils composés de voisins, de membres de la famille, afin de protéger leur environnement proche.

Comment expliquer que le Hamas continue à provoquer Israël de Gaza?

La réconciliation avec le Fatah est finie et il a perdu le soutien de l’Egypte. La seule façon, pour le Hamas, de sortir de cette impasse, c’est la confrontation avec Israël afin de pousser la communauté internationale à s’engager, quitte à en payer un prix très lourd. D’où les roquettes qui provoquent les Israéliens et les poussent à riposter, seul moyen de réveiller la communauté internationale et d’obtenir que les Egyptiens se ressaisissent du dossier israélo-palestinien. C’est peut-être une politique suicidaire, une fuite en avant mais, pour le Hamas, il n’y a pas d’autre option.

Mahmoud Abbas ne peut rien faire pour calmer le jeu?

Après la réconciliation avec le Hamas, Mahmoud Abbas n’a rien fait. Il ne s’est pas occupé de Gaza alors qu’il aurait dû se saisir de l’opportunité pour reprendre la main là-bas, les gens n’attendaient que ça. Il a été trop paresseux ou trop faible pour user de son autorité à Gaza. Il pensait avoir gagné la bataille en gardant le canal des négociations ouvert avec Israël.

Ce processus de réconciliation aurait pu marcher mais Abbas ne s’est pas conduit en leader. Il est considéré comme un collaborateur par de nombreux Palestiniens. Du coup, le Hamas est en train de gagner en popularité en Cisjordanie.

Que reste-t-il comme solution à Abbas ?

Il n’a plus que deux cartes à jouer: l’Egypte et les Nations Unies. Il faut qu’il obtienne quelque chose au moins d’une de ces deux parties. S’il reste assis sans rien faire dans son bureau de la Moukhata, il confirmera qu’il n’est que le maire de Ramallah.