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10 juillet 2014

ISRAËL - HAMAS : LES RAISONS D'UNE DOUBLE OFFENSIVE

Source : lepoint.fr en ligne le jeudi 10 juillet 2014

 

 

Offensive d'Israël sur Gaza :

 

légitime défense ou agression ?

 

 

 

 

Par

 

 

 

Tsahal affirme vouloir mettre fin aux tirs de roquettes du Hamas, qui déclare de son côté réagir au meurtre de ses membres. Retour sur les faits.

 

 

Un missile israélien vient de frapper un quartier de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 9 juillet 2014.

Un missile israélien vient de frapper un quartier de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 9 juillet 2014.

©Hatem Ali / AP/SIPA

       

"Bordure protectrice" : tel est le nom de l'opération militaire d'envergure lancée cette semaine par Tsahal contre le Hamas. Depuis mardi minuit, plusieurs centaines d'attaques ont été lancées par l'aviation israélienne sur la bande de Gaza, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés côté palestinien. À en croire le général Moti Almoz, porte-parole de l'armée israélienne, ce sont avant tout des sites de lancement de roquettes, des maisons de chefs militaires du Hamas, des postes de commandement ainsi que de "nombreux tunnels" qui ont été détruits. Pourtant, les services d'urgence de l'enclave palestinienne déplorent également la mort d'un grand nombre de civils, bien que certains aient été prévenus par Tsahal de l'imminence de frappes.

"L'objectif est de frapper le Hamas et de réduire le nombre de roquettes tirées vers Israël", a expliqué d'emblée un porte-parole de Tsahal, alors qu'aucune victime n'est pour l'heure à signaler côté israélien. Pour l'État hébreu, l'opération "Bordure protectrice" a été déclenchée en réponse au lancement lundi soir vers le sud d'Israël d'une quarantaine de roquettes par les Brigades al-Qassam, bras armé du Hamas. "Il s'agit d'une agression claire du Hamas", assure Denis Charbit professeur de sciences politiques à l'université ouverte d'Israël. "Benyamin Netanyahou avait averti le mouvement islamique qu'il lancerait une opération d'envergure si le calme n'était pas respecté. Or, le Hamas a brisé l'ultimatum de 48 heures qui lui avait été fixé, permettant à Netanyahou d'avoir toute la liberté d'annoncer qu'Israël était dans son droit en se défendant."

Depuis l'annonce de l'enlèvement de trois adolescents israéliens le 12 juin dernier (leur décès tragique a été annoncé le 30 juin, NDLR), qu'il impute au Hamas, le Premier ministre israélien est pressé par sa coalition de droite de punir le mouvement islamiste en envahissant la bande de Gaza que celui-ci contrôle. Après avoir arrêté en deux semaines quelque 335 de ses membres au cours d'une vaste offensive en Cisjordanie, Tsahal a éliminé lundi matin cinq activistes de la branche armée du Hamas lors d'une frappe sur un tunnel de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Or, ce serait précisément cette attaque qui aurait entraîné la riposte massive du mouvement islamiste sur Israël, la première revendiquée par ses brigades.

"Pas dans l'intérêt d'Israël d'abattre le Hamas"

Pourtant, Benyamin Netanyahou rechignait jusqu'ici à lancer une opération de grande ampleur sur l'enclave palestinienne, à l'image des campagnes "Plomb durci" (2008-2009) ou "Pilier de défense" (2012), qui ont affaibli le mouvement sans pour autant l'éradiquer. "Benyamin Netanyahou ne souhaitait vraiment pas intervenir à Gaza", affirme le politologue Denis Charbit. "Il est clair qu'il n'est pas dans l'intérêt d'Israël d'abattre le Hamas, qui assure l'ordre dans l'enclave palestinienne. Pour Netanyahou, qui a agi à son corps défendant, l'objectif est uniquement de réduire sa puissance de feu." D'après les experts israéliens, le mouvement islamiste détiendrait un arsenal estimé à 10 000 missiles.

Mais, conscient de son infériorité militaire par rapport à Tsahal, le Hamas a conclu en 2009 un accord tacite avec l'État hébreu. Au pouvoir à Gaza, le mouvement islamiste a créé à la frontière une police anti-roquettes afin d'empêcher tous les tirs en direction d'Israël et ainsi respecter la trêve conclue avec Tel-Aviv. Or, les agissements de cette force de sécurité ont révulsé de nombreux militants, furieux de se retrouver à réprimer leurs frères palestiniens au lieu de combattre Israël. Un nombre croissant d'entre eux a dès lors quitté le Hamas, au profit de groupes plus petits, mais plus radicaux et imprévisibles. Parmi eux, le Jihad islamique et ses Brigades Al-Qods. "Le pire des scénarios serait de décapiter le Hamas, ce qui profiterait à des groupes bien plus radicaux comme le Jihad islamique", avertit le politologue Denis Charbit.

L'attentisme de Benyamin Netanyahou face au Hamas a suscité la colère de ses ministres d'extrême droite, en premier lieu desquels le faucon ultra-nationaliste Avigdor Lieberman. Partisan d'une occupation de la bande de Gaza (comme c'était le cas avant 2005, NDLR), le chef du parti Israel Beiteinou, qui s'est associé avec le Likoud du Premier ministre pour remporter les législatives de janvier 2013, a décidé de rompre son alliance politique, sans pour autant quitter le gouvernement. "Notre réalité quotidienne, c'est la présence de centaines de missiles détenus par une organisation terroriste qui peut décider de les utiliser à n'importe quel moment et c'est inacceptable", s'est justifié le chef de la diplomatie israélienne.

Opération de kidnapping du Hamas

Hasard du calendrier ou pas, le soir même, l'opération "Bordure protectrice" était lancée. "La décision de Lieberman couplée à la pression des colons a poussé Netanyahou à intervenir à Gaza", avance Julien Salingue (1), chercheur en sciences politiques, qui dénonce pour sa part le "prétexte" des roquettes utilisé par Israël. "L'idée de lancer une opération militaire a germé après la mort des trois adolescents israéliens", affirme ce spécialiste de la Palestine. "Le soir même de l'annonce, les bombardements israéliens sur Gaza ont commencé, visant tous les groupes armés palestiniens, dont le Hamas. Il n'était alors pas question de roquettes à l'époque", affirme-t-il.

Une analyse catégoriquement rejetée par Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et en contre-terrorisme au centre interdisciplinaire de Herzliya (Israël). "Les tirs de roquette ont débuté avant même l'enlèvement", assure-t-il, bien que ceux-ci n'étaient pas le fait du Hamas, mais d'autres groupes armés de la bande de Gaza. D'après cet expert, le tournant a véritablement eu lieu lundi. "D'après les services de renseignement israéliens, les cinq activistes du Hamas qui sont morts dans le bombardement du tunnel préparaient une vaste opération de kidnapping de civils israéliens depuis Gaza", affirme Ely Karmon.

Une révélation pour le moins étonnante, le Hamas, isolé de toute part, n'ayant aucun intérêt à une escalade avec Israël. "Bien qu'il se trouve dans une situation délicate, qui l'a poussé à signer la réconciliation avec le Fatah de Mahmoud Abbas, l'isolement du Hamas est à relativiser", souligne Olivier Danino (2), spécialiste du mouvement islamiste à l'Institut français d'analyse stratégique (Ifas). "S'il est vrai qu'il a perdu des soutiens à l'étranger, notamment depuis les révolutions arabes, le Hamas a renoué avec l'aide financière et armée de l'Iran."

Soutien tacite de la communauté internationale

Bien qu'il ait officiellement cédé le pouvoir à Gaza en juin en faveur d'un gouvernement d'union nationale composé de technocrates, le Hamas continue d'en assurer la sécurité. Et d'irriter jusque dans son propre camp. "Totalement frustrée, sa branche armée fait pression pour pouvoir reprendre les opérations armées contre Israël, y compris l'enlèvement de soldats", pointe Olivier Danino. "Conscient de sa perte de popularité à Gaza, le Hamas a besoin de retrouver une certaine légitimité, tant au sein des mouvements gazaouis que de la population."

L'escalade avec l'"ennemi sioniste" est arrivée à point nommé. Au soir même de la révélation de l'effroyable assassinat du jeune palestinien Mohammad Abou Khdeir par des extrémistes juifs, qui a entraîné une vaste fronde populaire côté palestinien, le Hamas a averti les dirigeants israéliens qu'ils paieraient pour les crimes "des hordes de colons". "La seule chance que possède le Hamas pour revenir sur le devant de la scène est de provoquer un conflit, et ainsi se présenter comme le défenseur le plus efficace du peuple palestinien", estime Ely Karmon.

Au contraire, le chercheur Julien Salingue affirme que le mouvement islamiste est entré malgré lui dans le conflit après la mort de cinq de ses combattants, en violation de l'accord tacite qui le liait à Israël. "Le Hamas ne pouvait se permettre de rester immobile, sous peine d'apparaître comme ayant capitulé face à Israël et de risquer se faire supplanter par le Jihad islamique", explique le spécialiste de la Palestine. Ainsi, en réponse à l'opération "Bordure protectrice", le Hamas a revendiqué depuis mardi plusieurs tirs de roquettes contre Jérusalem et Tel-Aviv, mais aussi pour la première fois Haïfa (Nord), à une distance record de plus de 160 kilomètres de Gaza. "Les roquettes sont une réaction naturelle aux crimes israéliens contre notre peuple", a averti le porte-parole du Hamas à Gaza, Sami Abou Zouhri.

Tous les experts s'accordent néanmoins sur un point. En évoquant, à tort ou à raison, la légitime défense contre les roquettes palestiniennes, Israël s'assure aujourd'hui le soutien tacite de la communauté internationale, qui n'a pas condamné l'opération "Bordure protectrice", au contraire des tirs du Hamas.

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