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2 mars 2014

LE 7è ART VIENT DE PERDRE, ALAIN RESNAIS, LUMINEUX CINEASTE, AUTEUR DE L'INOUBLIABLE "NUIT ET BROUILLARD".

Source : lefigaro.fr en ligne le dimanche 2 mars 2014

à 10h 59

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Alain Resnais, prodige du cinéma français, est mort
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En mai 2012, à Cannes.

En mai 2012, à Cannes. Crédits photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP

VIDÉOS - Le réalisateur d'Hiroshima mon amour et de On connaît la chanson s'est éteint samedi soir à Paris entouré de sa famille. Il avait 91 ans.


Une haute silhouette aux cheveux de neige s'éloigne doucement, à pas feutrés. Alain Resnais n'a jamais fait de bruit. Il aimait le cinéma muet. Ses semelles de vent laissent des empreintes ineffaçables sur le septième art, et il sourirait si on les représentait comme des traces de pas dans les BD: Hiroshima, Marienbad, Providence, Mélo…

Il souriait beaucoup, infiniment courtois, attentif et délicat. Énigmatique aussi, se gardant de juger, évitant de trancher. Et rigoureux comme savent l'être les enfants dans leurs jeux. Ce rêveur encyclopédique a marié comme personne la culture savante et la culture populaire, dans une œuvre sans cesse inventive.

Il était né le 3 juin 1922, à Vannes, où son père était pharmacien. Il y fait des études sévères, sous la férule des jésuites de Saint-François-Xavier. Avec les paysages du Morbihan et les légendes bretonnes, les bandes dessinées et les feuilletons populaires comme Harry Dickson, le cinéma entre très tôt dans sa vie d'enfant. Il fréquente la salle paroissiale, et bientôt lui fait concurrence: «À huit ans, j'organisais une séance chez moi tous les jeudis.»Les copains bénéficient de son projecteur Lapierre et des Laurel et Hardy ou autres Charley Chase loués à la cinémathèque Kodak.

À treize ans, il achète sa première caméra, passage Pommeraye, à Nantes, endroit cher aux surréalistes qui comptent aussi beaucoup dans son univers mental. S'il se fait une vaste culture personnelle, il ne passera jamais le baccalauréat, à son grand regret, mais il entre à l'Idhec à sa création, en 1943. Dans le Paris de l'Occupation, il s'adonne à la photographie et il dévore les films, au Studio 28, aux Ursulines, à la Cinémathèque. La Règle du jeu le «pétrifie». Guitry, Feuillade, Cocteau le passionnent.

Mais, dira-t-il, «ce que je sais en cinéma, je l'ai autant appris par les comics que par le cinéma. Les règles du découpage, du montage (y) sont les mêmes».

Un «as » du montage

Au lendemain de la guerre, il se lie avec Chris Marker, André Bazin, Gérard Philipe, Danielle Delorme, un groupe proche du TNP de Jean Vilar, dont Agnès Varda est photographe. Ses premiers films sont une série de portraits d'artistes, ou des visions sur l'art (Van Gogh, Guernica, Les statues meurent aussi) qui restent «des modèles d'analyse esthétique et d'efficacité émotionnelle», selon l'expression de Jean-Loup Passek. En même temps, il devient l'assistant de Nicole Védrès, le monteur de La Pointe courte d'Agnès Varda, et réalise des génériques et des effets spéciaux.

À cette époque, il songe à se spécialiser dans le montage. De fait, il montre un talent exceptionnel dans cette discipline qui est le cœur vivant du cinéma. «Alain Resnais est le deuxième monteur du monde après Eisenstein», écrit Jean-Luc Godard à propos du Chant du styrène (1958), court-métrage de quatorze minutes sur les matières plastiques, si «génialement monté» que sa centaine de plans donne l'impression de n'être qu'«un seul et jupitérien travelling (au) phrasé prodigieux».

Resnais ne se voit pas comme un «auteur» et, avec la modestie courtoise qui le caractérise, considérera toujours le cinéma comme une création collective, «un art d'atelier», dit-il, où il fait la part belle à ses partenaires. «Je sais que je vais faire un film lorsque les scénaristes, les producteurs et les acteurs s'y intéressent tous en même temps», dira-t-il.

De l'après-guerre aux années 1960, Alain Resnais, tout en s'affirmant comme un cinéaste passionné de recherche formelle, signe des films en prise avec les grandes tragédies de l'époque. C'est d'abord, en 1955, le terribleNuit et Brouillard, premier montage d'archives sur les camps d'extermination nazis, avec un texte de Jean Cayrol. Puis, en 1959, Hiroshima mon amour, un des chefs-d'œuvre du cinéma, où la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, entre l'occupation allemande en France et la bombe atomique au Japon, se mêle au lyrisme amoureux du couple inventé par Marguerite Duras.

Vie privée et vie créative intimement liées

Le passé, réel ou fictif, hante aussi les stucs et les miroirs du luxueux palace de L'Année dernière à Marienbad (1961), exercice plus purement esthétique qui se souvient du cinéma muet, cher à Resnais. Mais on retrouve l'arrière-plan politique avecMuriel ou le temps d'un retour (1963), sur fond de guerre d'Algérie, dans La guerre est finie(1966), où les fantômes de la guerre civile espagnole s'attachent aux pas d'Yves Montand, dans Stavisky(1974), symphonie funèbre avec un Belmondo fastueux et désenchanté. Après Jean Cayrol pour Muriel, Resnais a pris pour scénariste Jorge Semprun: s'il ne passe pas pour un réalisateur engagé, ses scénaristes le sont.

Avec L'Année dernière à Marienbad apparaît aussi au générique de ses films le nom de Florence Malraux, fille d'André, qui sera son assistante et sa femme. Pour Resnais, toujours très discret sur son intimité, vie privée et vie créative sont fortement liées. Sa vraie famille est composée des techniciens et des acteurs qui s'embarquent avec lui dans ses explorations mystérieuses de la vie par le cinéma. Ainsi la remarquable scripte Sylvette Baudrot ou le décorateur Jacques Saulnier, qui l'ont accompagné tout au long de sa carrière. Et bien sûr la troupe familière, inspirée et inspirante, qui s'est constituée autour de lui dans la dernière partie de sa vie avec le trio Sabine Azema, Pierre Arditi et André Dussollier.

Avec Je t'aime je t'aime (1968), Providence (1975), Mon oncle d'Amérique (1980), le cinéma de Resnais apparaît plus nettement comme une sorte d'expérimentation scientifique des productions du cerveau. «Alain Resnais a filmé les mécanismes qui, à partir du cerveau, structurent les comportements humains», dira le professeur Henri Laborit, grand admirateur de L'Année dernière à Marienbad, que Resnais a convié à exposer ses théories dans Mon oncle d'Amérique.

Après La vie est un roman(1982), étonnante réflexion sur l'éducation et l'utopie, qui marque sa rencontre avec Sabine Azema, et L'Amour à mort, méditation aux portes de l'au-delà («Je suis un athée mystique», a dit un jour le cinéaste), Alain Resnais retrouve ses goûts anciens pour le théâtre, la comédie musicale, la bande dessinée: ce sera le merveilleux Mélo, d'après Bernstein, avec le trio Azema, Arditi, Dussollier, I Want to Go Home, Smoking/No Smoking, On connaît la chanson. Personne n'a marié comme lui la cultureina savante et la culture populaire.

 

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