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Le monde juif vous parle
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16 mai 2014

CRISE PROFONDE DU JUDAÏSME FRANCAIS

Source : jforum.fr via via lemonde.fr en ligne le jeudi 15 mai 2014

 

 

Les juifs de France
doivent être mieux représentés

 

 

 

 

par 

Pluralité

Lorsque, en chemin vers la synagogue où j’exerce en tant que rabbin, je passe devant la coupole des Invalides, je pense à l’homme qui repose sous l’imposant édifice et à la façon dont, près de deux siècles après sa mort, l’influence pèse toujours aussi lourd sur nos institutions et nos vies privées.

[Avertissement : ce texte, paru dans Le Monde d’hier, 13 mai, rappelle quelques vérités, saillantes dans diverses affaires ressorties ces temps-ci. JForum laisse l’auteur et les lecteurs libres d’exprimer leurs sensibilités, fidèle à sa vocation du pluralisme d’expression de la judaïté. Il ne nous appartient pas, in fine, de dire qui a tort ou raison, dans ses pratiques ou opinions. Force est de constater qu’une refonte, un mieux disant représentatif, s’impose, quel qu’en soit ses choix, à l’issue, peut-être, d’Etats-Généraux du Judaïsme français, avec la participation des meilleurs nous ayant quitté, en faisant le choix de l’Aliyah]

En 1808, Napoléon Ier crée une institution aujourd’hui bicentenaire, le consistoire israélite de France, organe officiel et représentatif du culte juif. Son organisation calquée sur celles de l’Église catholique et du consistoire protestant répond alors au souci pratique etpolitique du fin stratège qu’est l’empereur : celui d’identifier un interlocuteur unique au sein d’une minorité émancipée depuis moins de vingt ans.

Les juifs, bien qu’épris par tradition religieuse de débats contradictoires et d’interprétations plurielles, acceptent alors ce modèle ’’à la française’’ d’une institution unique et centralisée avec à sa tête un Grand-rabbin de France appelé à les représenter. Ils vont perpétuer et chérir un modèle efficace de représentativité, longtemps garant d’un dialogue institutionnel fécond avec les pouvoirs publics.

Deux siècles plus tard, où en est cette représentativité ? L’institution consistoriale s’est radicalisée depuis plusieurs décennies. Elle exprime aujourd’hui presqu’exclusivement la voix d’une sensibilité orthodoxe, dans la négation des mouvances et des sensibilités plurielles qui composent le judaïsme aujourd’hui, y compris celles des partisans d’une orthodoxie plus souple et moderne. Les mouvances progressistes, très largement présentes au sein de la diaspora juive mondiale, n’y sont pas représentées et leurs institutions n’y sont pas entendues. Leurs rabbins ne sont pas reconnus, surtout pas quand elles sont femmes, dans une institution qui peine à engager une réflexion véritable sur les droits des femmes, leur accès au texte et aux responsabilités.

RADICALISATION

Comment parler au nom du groupe lorsqu’on n’entend pas toutes les voix qui le composent ? Comment se dire représentatif du judaïsme français quand la diversité et la richesse de ses sensibilités ne sont ni représentées ni entendues ? Dans l’évolution de ce modèle à la française, le judaïsme, qui ne connaît pourtant ni clergé ni dogme, a fini par se cléricaliser et se figer dans le rigorisme, suggérant qu’un courant serait autorisé à parler pour tous et, de préférence, par ses voix les plus conservatrices. Après la démission du Grand-rabbin Bernheim, un nouveau Grand-rabbin de France doit être élu le 22 juin prochain. Au moment où débute la campagne des dix hommes qui se sont portés candidats, une nouvelle ’’affaire’’ secoue l’institution.

Un collège de rabbins, dont le Grand-rabbin de France par intérim, est soupçonné d’avoir arbitré par transaction financière l’octroi d’un divorce religieux à une jeune femme. Si l’accusation est avérée, de tels actes piétinent à la foi les principes du judaïsme, du droit français et de l’éthique. Les faits incriminés, mettent par ailleurs en cause un traitement discriminatoire à l’égard des femmes dont il faut dire à quel point il constituerait un dévoiement de la tradition juive. Mais quelle que soit la conclusion de cette grave affaire, le problème de la représentativité du consistoire demeurera posé. En hébreu, le mot « visage » -panim n’existe qu’au pluriel. Le prochain grand rabbin de France n’aura de légitimité et de grandeur que s’il saitpercevoir et refléter les visages des juives et juifs de France, au sein d’une institution consistoriale réformée et pleinement respectueuse des femmes et des hommes qu’elle entend représenter.

 

Delphine Horvilleur, est rabbin du Mouvement juif libéral de France (Paris). Elle est l’auteur d’En tenue d’Ève. Féminin, pudeur et judaïsme, Grasset, 2013.

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